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Marisa Martínez Esparza, un parcours spirituel à travers la musique

Mes débuts dans la musique

Je suis née dans une famille de musiciens et écouter les oeuvres des grands compositeurs de musique, depuis mon enfance, était quelque chose de naturel pour moi. Chacun jouait son instrument, on allait aux concerts, on écoutait les émissions de musique classique à la radio…bref, je suis née immergée dans la musique, c’est pourquoi je remercie mes parents de m’avoir donné cet immense cadeau. De plus, dans ma famille, il y a eu deux maîtres de chapelle à la Cathédrale de Pamplona (Pampelune, Navarre).

La perséverance, vertu  nécéssaire pour tout musicien

Le plus grand encouragement pour moi c’est l’immense joie de pouvoir m’émouvoir avec la musique, tous les jours, comme un petit enfant. Par ailleurs, j’éprouve une grande satisfaction quand quelqu’un me dit après un concert « qu’il a été touché par la musique, que ça l’a transporté, qu’il en est sorti revivifié…» etc. C’est un grand privilège que de pouvoir embellir quelques moments de la vie des gens et, au-delà des mots, toucher leur coeur.

Quant aux obstacles et épreuves c’est Dieu qui les permet pour mon perfectionnement, et le mieux c’est de les prendre comme une grâce qui m’est faite pour pouvoir m’améliorer davantage. Parfois, un « obstacle » c’est une porte ouverte à des nouvelles possibilités : un nouveau répertoire, des nouveaux régistres, des nouvelles sonorités…donc, je surmonte les obstacles par la musique elle même ! Parce qu’il y a toujours le plaisir, l’investigation (la recherche) et le dépassement de soi-même.

Mes préférences musicales

C’est une question qui est posée souvent aux musiciens. Pour moi, c’est très difficile de choisir « la musique » que je préfère (car je suis passionée de musique !); tout de même, je dirais que ce que je préfère jouer c’est ce que je fais à chaque moment concrétement: je profite de l’instant présent.

Violoniste de formation, j’ai été émerveillé par la musique médiévale et la diversité de ses instruments

En effet, je suis violoniste. Parfois, on prend un chemin et, puis, on découvre une nouvelle direction à laquelle on n’avait pas songé : Il y a quelque temps, avec un groupe de musique baroque, on a commencé à déchiffrer des oeuvres de la période médiévale et j’ai tout de suite été émerveillée par l’énorme diversité et richesse musicale de cette époque, ainsi que par sa profonde spiritualité, qui parlait directement à mon coeur. J’ai voulu mettre en pratique les sonorités et les timbres qui y conviennent et j’ai acquis une vièle à archet, et, quelques temps après, une moraharpa (sorte de vièle à archet avec des touches).

La vièle que je joue est une réproduction de celle qui est peinte dans le mural de la Chapelle des Espagnols, à Santa María la Novella (Florence) et elle a été construite à Cuenca par le luthier espagnol César de la Vera. Elle a 5 cordes, ce qui me donne beaucoup de possibilités : accompagnement du chant (dans l’expression médiévale « chanter et viëler ensemble»1 ce qui est très courant à l’époque, chez les troubadours, les jongleurs, etc.), faire des adaptations à l’instrument en doubles, triples, quadruples, cordes, etc…, en ornementation de diverses pièces; jouer quelques œuvres écrites pour d’autres instruments tel que le violoncelle (avec cette sonorité très particulière de la vièle) et même l’orgue, etc. La vièle est l’instrument à archet par excellence !2à archet avec des touches).

La vièle que je joue est une réproduction de celle qui est peinte dans le mural de la Chapelle des Espagnols, à Santa María la Novella (Florence) et elle a été construite à Cuenca par le luthier espagnol César de la Vera. Elle a 5 cordes, ce qui me donne beaucoup de possibilités : accompagnement du chant (dans l’expression médiévale « chanter et viëler ensemble»1 ce qui est très courant à l’époque, chez les troubadours, les jongleurs, etc.), faire des adaptations à l’instrument en doubles, triples, quadruples, cordes, etc…, en ornementation de diverses pièces; jouer quelques œuvres écrites pour d’autres instruments tel que le violoncelle (avec cette sonorité très particulière de la vièle) et même l’orgue, etc. La vièle est l’instrument à archet par excellence !2

Le triomphe de l’église (détail).
Chapelle des Espagnols, Santa María la Novella, Florence. Andrea Bonaiuto (ca. 1367)

La moraharpa serait originaire de la Suède, puisqu’on a trouvé à la ville de Mora un instrument datant de 1526.

Moraharpa (Musée Zom) (Source Wikipédia)
L’iconographie la plus ancienne se trouve dans le portail d’une église à Källungen
Michael Praetorius l’inclue la moraharpa (dans son fameux ouvrage « Syntagma Musicum » (1620)3

J’aime la sonorité très particulière de ce curieux instrument, avec la symbiose touches + archet (l’articulation des petites touches en bois produit un bruit spécifique, ce qui fait tout son charme, et si à cela on ajoute un archet, on multiplie les possibilités expressives). Elle à été construite à Mirecourt par le luthier Jean – Claude Condi.

Quant aux origines des instruments à cordes frotées, elles rémontent à la nuit des temps. L’iconographie est une source importante d’inspiration pour les luthiers et les musiciens, et quoi qu’on ne doive pas l’interpréter de façon littérale, on l’étudie avec soin car elle nous donne tout de même beaucoup d’informations si on l’éxamine avec prudence4. On observe dans la période qui nous occupe, une énorme profusion de représentations de ces instruments, partout où nous allons !

Salle des vitraux, Paris, Musée de Cluny
Pórtico de la Gloria, Santiago de Compostela

L’hypothèse la plus largement répandue, serait celle qui affirme que « tout vient de l’Orient »5 à partir des instruments à cordes pincées, auxquels un jour on aurait voulu tirer des sons différents, donc, on aurait inventé l’archet pour imiter la voix humaine et jouer des sons plus longuement soutenus, à l’unisson et sous forme d’accords. En tout cas, l’opinion n’est pas unanime et on envisage des différentes possibilités ; « ils seraient arrivés par la Penynsule Ibérique à la conquête de celle-ci, vers le IX siècle ; ou bien, par la Palestine, dans le temps des croisades…(mais, étant donné que les princes chréthiens s’y déplaçaient avec leur cour, musiciens y compris, ça pourrait aussi être le contraire. »6

Portail de l’abbatiale St Pierre, Moissac
Prémière iconographie (connue) de l’archet (Beatos de Liébana, S. X., Espagne)
Crouth. Manuscrit de l’abbaye St- Martial de Limoges, (XI S.) Bibliothèque imperiale

Cependant, selon d’autres thèses, les gammes des instruments orientaux ne s’y prêteraient pas tout à fait aux combinaisons de sons simultanés, et l’origine de l’archet reviendrait au crouth, instrument à archet, joué par les bardes bretons, beaucoup plus tôt (VI siècle !). Cet instrument est cité par Venantius Fortunatus, Évêque de Poitiers, dans un vers daté de 570, et aurait pu être construit par les bardes eux-mêmes (Grillet), ou bien il serait arrivé de l’Inde dans une forme primitive (Fétis)…

Ce qui est claire, c’est que l’être humain à toujours fait de la musique naturellement, dans toutes les cultures : où qu’elles soient dans l’espace et dans le temps, on a chanté et construit des instruments ; donc, n’importe qui aurait pu inventer l’archet ; c’est un sujet passionant et on ne se lasse pas de faire des recherches !

Le plaisir de « vièler » en chantant. Chant religieux et chant courtois

Au niveau personnel, je me fais vraiment plaisir et je me fixe des nouveaux défis tels que : chanter et jouer simultanément (en accompagnement et en contrepoint), apprendre à jouer des nouveaux instruments, découvrir des compositeurs qui ont marqué l’histoire, comme par exemple, Hildegarde de Bingen, me plonger dans l’univers sublime de l’écriture neumatique ; proposer des concerts attrayants pour le publique (du fait de la variabilité des instruments et des pièces) …

Il y a aussi une raison de poids : Dieu me parle et me donne des forces au travers de cette musique.

Je pense que la musique religieuse et la musique d’amour courtois s’influencèrent mutuellement. La période médiévale est musique : on chantait naturellement, dans les champs, dans les places, le chevalier à sa dame, dans les monastères et à l’église, et probablement les mélodies s’interchangeaient (on écoutait une mélodie dans les champs puis on l’adaptait pour l’église, ou l’inverse)7.

Le chant sacré médiéval a une grande importance dans notre monde actuel 

Le chant liturgique est le vecteur de la foi chrétienne, et au fur et à mesure de la construction des grandes basiliques, il fut nécessaire de créer un répertoire approprié à leur grandeur. Les cathédrales et les monastères devinrent  des grands centres culturels qui jouèrent un rôle prépondérant dans la composition des chants, l’élaboration du répertoire, la formation des professionnels par la Schola Cantorum8 (à la cathédrale Notre Dame de Paris il y avait une école qui a marqué l’histoire dans le domaine de la musique polyphonique, de telle façon, qu’on parle de pré et post Notre- Dame9) ou la création d’une écriture neumatique particulière, précurseur de la notation carrée (monastère de St. Gall).

« Angelis suis mandavit de te ». Partition neumathique St. Gallen, Stiftsbibliothek Cod. Sang. 390 (ca. 990 – 1000). Antiphonarium officii, p. 145

Cette époque, qu’on pourrait appeler à plus juste titre « Le Grand Âge », se caractérisait par la recherche de Dieu en toutes choses : on faisait tout pour la gloire du règne de Jésus-Christ et on cherchait à faire des belles choses, car Dieu est beauté. Ainsi, la technique était un moyen au service du sacré et non pas une finalité en elle-même : « elle touche directement le coeur et l’âme, point besoin d’explications, on est éblouis»10.

Leur musique exprime très bien cela, elle est omniprésente dans leurs vies, et c’est grâce à l’église qu’on a pu la préserver par les codex et les livres de chant qu’on a gardés pendant des siècles dans les archives.

Donc, si la vie liturgique (la Sainte Messe) était au centre de cette société, qui a fait tant de belles choses, qui a produit tant de grands saints, et qui est à l’origine de notre civilisation11, c’est à elle qu’il nous faut revenir sans tarder. La présence réelle de Jesus-Christ dans l’éucharisthie est le miracle qui renouvelle nos forces spirituelles (car le combat est spirituel)12 et qui nous donne la capacité de regarder vers les choses célestes13. 

On a besoin du surnaturel pour vivre au quotidien.

Ces gens nous lancent un message très fort : Pour sortir de notre folie, on doit chercher les droits de Dieu : dans nos propres vies d’abord, et puis dans notre société : c’est la seule façon de nous retrouver nous-mêmes. Si on veut tenir bon, il faut en faire notre exemple.

« Nos civilisations tiennent bon parce qu’elles sont fondées sur les valeurs médiévales »14.

Le triomphe de l’église,
Chapelle des Espagnols, Santa María la Novella, Florence, Andrea Bonaiuto (ca. 1367)
Gautier de Coinci, le moine troubadour, joue la chanson « Ma vièle », en l’honneur de la Sainte Vierge (elle à l’air ravie !) Je me suis inspiré de cette image pour faire ma vidéo. Les miracles de Nostre Dame, (détail) Gautier de Coinci, source gallica.bnf.fr

Bibliographie :

1. Gilbert de Montreuil (ca. 1230), Roman de la Violette (Pierre Bec, Vièles où violes ? Variations philologiques et musicales autour des instruments à archet du moyen âge, Éditions Klincksieck)

2. Pierre Bec, Vièles où violes ?

3. Michael Praetorius, Syntagma Musicum, Source :www.imslp.org

4. Pierre Bec, Vièles où violes ?

5. François – Joseph Fétis , Antoine Stradivari, luthier célèbre connu sous le nom de Stradivarius : Précédé de recherches historiques et critiques sur l’origine et les transformations des instruments à archet et suivi d’analysesthéoriques sur l’archet, ULAN Press

6Laurent Grillet, Les ancêtres du violon et du violoncelle, les luthiers et les fabricants d’archets, Paris, Librairie Générale des Arts Décoratifs (Bnf G. allica)

7. Françoise Ferrand, Guide de la musique du Moyen Âge

8. Dom Daniel Saulnier, Les modes grégoriens, Éditions Solesmes

9. José López – Calo, Los instrumentos del Pórtico de la Gloria: El ritmo de la polifonía primitiva, Norman E. Smith, Universidad de Pensilvania, Fundación Pedro Barrié de la Maza

10. José López – Calo, Los instrumentos del Pórtico de la Gloria, José María Fernández, Teología del Pórtico de la Gloria    

11. Thomas E. Woods JR, Cómo la iglesia construyó la civilización occidental

12. St. Paul, Epître aux Éphésiens, 6 : 12, Le Nouveau Testament, traduction de l’Abbé Augustin Crampon, Éditions Kontre Kulture

13. St. Paul, Epître aux Colossiens, 3 : 1-3, Le Nouveau Testament, traduction de l’Abbé Augustin Crampon, Éditions Kontre Kulture

14. Claire Colombi, Les ténèbres du moyen-âge, Éditions Kontre Kulture

Copyright © Marisa Martínez Esparza

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